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Pour que l’École ne soit pas un enfer : nous ne signerons pas le pacte !

Après des mois de tergiversations, le « choc d’attractivité » pour nos métiers, annoncé par le gouvernement depuis les Présidentielles, aura accouché d’une revalorisation salariale (socle) indécente et d’un nouveau monstre managérial (Pacte) qui va diviser les personnels et fractionner nos collectifs de travail. La CNT-SO Éducation appelle les collègues à ne pas signer ce Pacte et à se mobiliser à la rentrée pour une revalorisation salariale massive de toutes les catégories de personnels !

Une augmentation « socle » largement insuffisante !

Comme l’ensemble des travailleur·euses (et notamment nos collègues les plus précaires, AED/AESH, contractuel·les) nous sommes touché·es par l’inflation et la vie chère. C’est pourquoi la partie « socle » est tout simplement inacceptable. L’augmentation de l’ISOE/ISAE (et des indemnités équivalentes pour les CPE, psyEN et profs documentalistes) correspond à une augmentation d’un peu moins de 100 euros par an, est largement insuffisante. Toutes les autres catégories de personnels, pourtant aux salaires les plus bas du ministère, ne sont pas concerné·es !

Pour les enseignant·es, le ministère prévoit également une augmentation de la prime d’attractivité jusqu’à l’échelon 7 et des mesures de facilitation d’accès à la hors classe et la classe exceptionnelle. Au final nous sommes loin de la promesse de campagne de Macron des 10% d’augmentation ni même de la simple compensation de l’inflation

Le pacte : de quoi parle-t-on ?

Le pacte est présenté comme une revalorisation, or il s’agit de primes et de missions supplémentaires, qui ne compteront pas pour la retraite et alourdiront le temps de travail. Il concerne l’ensemble des enseignant-es, CPE et Psy-EN, quelque soit leur statut ou quotité de service (dispositif ouvert aux temps partiels). Il s’agira d’accepter et de signer un contrat avec le chef d’établissement/l’IEN qui remettra une lettre de mission au collègue qui sera ainsi redevable (au plus tard en octobre).

Engagement contractuel annuel renouvelable, il invite à choisir des missions complémentaires (pudiquement le ministère n’ose plus utiliser le terme de « briques »), cumulables, payées chacune 1250 euros par an (sur 9 mois) via une « part fonctionnelle » de l’ISAE/ISOE. Des 1/2 parts sont aussi proposées par le ministère (non valable pour la première mission dans le 2nd degré, voir ci-dessous) correspondant à des missions de 9 à 12h suivant leur nature

Missions d’enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

  • Missions 18h : remplacements courts dans l’année pour le second degré (RCD) et soutien en 6ème pour le premier degré. Pour le ministère, ces missions sont spécifiées « prioritaires » (elles doivent être mises en place avant les autres missions). Dans le secondaire, la première mission « sauf cas particulier, porte sur le RCD »et ne peut pas faire l’objet d’une demi-part (possible uniquement pour une ou des missions complémentaires). Les remplacements sont donc quasiment obligatoires !

  • Missions 24h : intervention dans le dispositif devoirs faits, stages de réussite pendant les vacances, soutien renforcé aux élèves pour le premier degré ; devoirs faits (rendus obligatoires en 6ème), stages de réussite pendant les vacances, soutien renforcé, intervention dans le cadre de la découverte des métiers au bénéfice des collégiens pour le second degré ; enseignement et accompagnement dans les périodes post-bac professionnel, enseignement complémentaire en groupes d’effectifs réduits pour les EREA et LP.

Missions annualisées

Coordination et prise en charge des projets d’innovation pédagogique, accompagnements des élèves à besoins éducatifs particulier, coordination du dispositif de découverte des métiers en collège ; accompagnement des élèves en difficulté et accompagnement vers l’emploi pour les EREA et LP. Pour ces missions, « en fonction de l’importance effective et des conditions d’exercice de la mission exercée », il sera possible de « se voir attribuer plus d’une part fonctionnelle pour la réalisation de cette mission ».

Chaque année, la DGSCO notifiera, au plus tard en février, les moyens alloués aux Académies au titre du Pacte puis celles-ci procéderons à la répartition dans les établissements et écoles en mars.

Dans le secondaire, les chef·fes d’établissement, qui voient à nouveau leurs pouvoirs et leur autonomie se renforcer, proposeront la signature du pacte aux volontaires, titulaires ou non, après avis du Conseil Pédagogique et présentation pour avis au CA. Dans le premier degré, ce sont les IEN qui feront la distribution, en lien avec les directions, nouvelle hiérarchie intermédiaire, après consultation du Conseil des maîtres. Des primes spécifiques devraient leur être attribuées pour la mise en place du pacte et ce rôle de « faiseur de roi » (1000 euros pour les CE et IEN, 500 à 900 euros pour les directions d’école) !

Le pendant du pacte… c’est bien de se retrouver en dette

L’exécution des missions sera scrutée par la hiérarchie (CE, IEN, directions d’école) avec des ajustements possibles en cours d’année, la lettre de mission pouvant ainsi être « amendée en cours d’année à l’initiative de l’inspecteur de l’éducation nationale, du chef d’établissement ou de l’agent ». Il sera aussi possible, « selon les nécessités du service, d’attribuer ou de réattribuer une ou des missions en cours d’année ». Réputés volontaires mais surtout redevables, les personnels concernés peuvent ainsi être amené à connaître un transfert d’une mission à une autre ou se voir attribuer de nouvelles tâches sur demande de la hiérarchie, en fonction des « besoins » de l’établissement. Avec la carotte financière et la pression hiérarchique, le risque réel est de ne plus pouvoir dire non et cela aura des conséquences sur la liberté professionnelle et personnelle. Nous alertons les collègues tenté·es de mettre le doigt dans l’engrenage, avec ce pacte sans garanties claires, c’est ouvrir la porte à des mauvaises surprises pour exercer un large panel de tâches supplémentaires !

Évidemment ce pacte se fera en plusieurs étapes avec dans un premier temps le maintien de dispositions (HSE, IMP…) qui pourraient y être intégré dans le futur. Les logiques individuelles à court terme sont aussi une menace collective pour tous les personnels dans le futur: annualisation des services, hausse du temps de travail ou remise en cause des congés.

Ce pacte est une brique jetée dans notre statut et l’égalité des personnels

Notre statut nous confère des droits et devoirs, qui garantissent une égalité des personnels mais aussi des usagers et usagères et donc un service public. Le pacte institutionnalise une autre relation, faite de contrats et de carrières individualisées avec des personnels mis en concurrence pour gratter un peu de pognon. A terme le pacte créera des hiérarchies intermédiaires pour des collègues qui deviendraient des « petits chefs » pour remplir telle ou telle mission et cassera la solidarité et les collectifs de travail. Les missions Pacte pourraient aussi empiéter sur celles de certains métiers.

Le pacte, accentuera encore les inégalités femmes-hommes ! Le ministère reconnaît que les femmes perçoivent moins d’heures supplémentaires et de primes, et ce, dû aux inégalités de genre au travail et au rôle parental encore genré.

Le Pacte : un non-sens pédagogique

Encourager la prise de missions supplémentaires alors que la charge de travail des enseignant·es est déjà conséquente est une prime au « mauvais travail ».  Remplacer au pied levé un ou une collègue, mais dans sa propre matière, pour une seule séance, avec une classe inconnue ; faire de la remédiation en 6eme avec des élèves que l’on ne suit pas au quotidien et sans espace de concertation avec les collègues de la classe ; faire du soutien en primaire sur la base des résultats d’évaluations nationales normatives et inadaptées ; construire des EDT non pas dans l’intérêt des élèves mais uniquement pour remplir des objectifs managériaux… Le pacte va accentuer la perte de sens de nos métiers et la restriction de notre liberté pédagogique.

Le pacte : un énième outil pour une gestion managériale et libérale de l’École et de ses personnels !

Derrière ce vocabulaire managérial (« brique », « pacte ») l’objectif est clair : casser le service public d’enseignement et d’éducation.

Il vient accentuer des logiques individualistes déjà en cours dans le second degré notamment (culture de l’heure sup’ depuis l’époque Sarkozy, IMP, dispositifs « devoirs faits ») qui cachent mal des logiques austéritaires. Ces dispositifs moins coûteux permettent d’éviter de créer des postes, de mettre les moyens nécessaires à certaines tâches indispensables ou pour améliorer la qualité globale des enseignements (baisse du nombre d’élèves par classe, dédoublements…).

Le pacte est une nouvelle pièce de la dérive managériale. Il est à mettre en relation avec des évolutions récentes : explosion des évaluations dans le primaire qui sont aussi normatives pour les élèves que pour les enseignant·es (qui serviront de base pour les missions de soutien prévues dans le pacte), auto-évaluation des établissements, introduction d’une hiérarchie intermédiaire dans les écoles (loi Rilhac), expérimentation Macron dans les écoles marseillaises, expérimentation des contrats locaux d’accompagnement (CLA) dans des lycées sortis de l’Éducation Prioritaire, profilage des postes dans certaines Académie dans les écoles REP+, part modulable de la prime REP+ attribuée suivant l’atteinte d’objectifs similaires à ceux du Pacte… Petit à petit le puzzle se complète : une individualisation des carrières des personnels et une autonomisation croissante des établissements, dans un climat de concurrence pour les moyens et rémunérations, aboutissant à un système éducatif à plusieurs vitesses.

Le ministère joue avec cynisme sur l’inflation et la stagnation des rémunérations des enseignant·es, ainsi que sur notre conscience professionnelle : ne nous faisons pas avoir !
Nous appelons l’ensemble des personnels à refuser le Pacte ! Mobilisons-nous pour une véritable augmentation de nos salaires et pour obtenir l’abrogation de toutes les contre-réformes scolaires de l’ère Macron !

Avec la CNT-SO nous revendiquons dans l’immédiat :

  • La hausse des salaires de l’ensemble des personnels. Cette hausse de la rémunération doit concerner tous les personnels et elle ne doit pas être conditionnée à « des tâches nouvelles ».
  • Le dégel de la valeur du point d’indice avec rattrapage des précédentes pertes. L’indexation de ce point d’indice sur l’indice des prix à la consommation.
  • La fin du précariat dans l’Éducation nationale (contractualisation croissante).
  • Des mesures pour l’égalité femmes-hommes.
  • L’égalité de traitement face aux primes (REP/REP+…) pour tous les personnels.
  • Un plan d’urgence pour l’Éducation.

Sources :

– Décret n° 2023-627 du 19 juillet 2023 portant création d’une part fonctionnelle au sein de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves

– Arrêté du 19 juillet 2023 fixant les montants de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves et précisant les missions ouvrant droit à la part fonctionnelle de ces deux indemnités

– Part fonctionnelle de l’ISOE et de l’ISAE au sein des écoles, collèges, lycées d’enseignement général et technologique et lycées professionnels. Note de service du 20-7-2023.