Deux enseignants avaient expliqué à la nouvelle ministre de l’Éducation nationale la réalité catastrophique dans certains quartiers de Mayotte abandonnés par l’État après la tempête Chido, le 30 décembre, alors que le trio conservateur Bayrou-Valls-Borne était à Mayotte. La ministre leur a tourné les talons. « La honte » ! s’est exclamé l’un d’entre eux, écœuré.
Dans une séquence filmée, deux enseignants d’EPS ont raconté à la ministre de l’Éducation nationale qu’aucun secours, ni aide, ni approvisionnement n’avaient été organisés ni coordonnée par l’État dans des quartiers pauvres de Mayotte près desquels ils habitent. Mise face à la réalité de terrain et à la vive l’inquiétude des deux enseignants à l’égard d’une population vulnérable, pauvre et délaissée, la ministre leur a tourné les talons, affichant un sourire méprisant et inapproprié face caméra.
Il s’avère en effet que c’est un collectif improvisé de bénévoles, d’enseignant·es, d’élèves qui se sont organisés pour venir en aide aux gens avec parfois leurs propres moyens.
Des communications politiques au cynisme écœurant
On ne peut que saluer cette entraide entre habitant·es de ce département français et nous dénonçons l’abandon par l’État qui déroule de plus un discours d’extrême-droite. De Bayrou au préfet en passant par la dernière sortie de Valls qui remet en cause la validité du recensement en prétendant que les immigré.es sont en fait plus nombreux et nombreuses, et en passant par les député·es locaux ou des collectifs anti-migrants, des propos excluant ont été déroulés et Marine Le Pen a été accueillie sur les cendres de la solidarité nationale et sociale. Ce mépris est d’autant plus dramatique que le racisme entre différentes catégories de la population ronge la cohésion. Nous dénonçons le cynisme du gouvernement qui alimente le désarroi de l’île et en profite pour resserrer sa main mise coloniale.
Les déclarations de Valls en concurrence avec les déclarations de Marine Le Pen font comme si les destructions étaient principalement causées par la vétusté des bidonvilles et laisse entendre que tout sera plus facile une fois que la population mahoraise sera allégée de la présence comorienne. Les médias n’ont pas parlé des morts sur les côtes du Mozambique et des Comores, causés par le même ouragan. Le gouvernement n’a pas pris contact avec aucun de ces pays riverains pour envisager une coordination des secours.
Quelle reconstruction ?
Les annonces budgétaires semblent d’ores et déjà insuffisantes pour la reconstruction, et se fera sans les Mahorais eux-mêmes, ni même sans les entreprises locales et le grand risque est que les immigré·es des Comores soient encore davantage relégué·es. Cette population est désignée comme quasiment coupable de sa propre pauvreté voire du cyclone lui-même. L’absence d’une réponse adéquate proposée aux habitants des bidonvilles laisse craindre une aide intéressée et orientée qui implique une exclusion de facto de la population la plus pauvre et majoritairement immigrée.
Rien n’a été suffisamment anticipé et rien n’est mis en place pour que Mayotte puisse faire face aux risques climatiques alors qu’ils sont connus et étudiés, et qu’un nouveau cyclone est attendu dimanche 12.
Le discours médiatique en dehors de toute considération géopolitique entonne le même air : les français d’abord. Mais comment rebâtir sans s’interroger sur le partage des ressources autour du littoral ? La proposition du 1er ministre Bayrou de relancer les communications sur l’île grâce au réseau Starlink d’Elon Musk résonne comme un autre signal : celle de l’abandon du service public et de l’allégeance à une extrême-droite à l’affût. La communication gouvernementale augure mal la stratégie de reconstruction. Elle ressemble à celle prise par l’administration Bush suite à l’ouragan Katrina : tentatives de libéralisation, nettoyage social doublé d’une politique ségrégative et raciste…
Nous ne pouvons que soutenir nos collègues, leurs élèves, leurs familles face à ce chaos, et la rentrée du 13 janvier nous semble bien illusoire.
Nous soutenons le préavis de grève reconductible de plusieurs syndicats enseignants à Mayotte face au manque d’eau, d’électricité et de conditions décentes pour la rentrée à Mayotte le 13 janvier.